LXII SPLEEN
Quand le ciel bas et lourd pčse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous fait, un jour noir plus triste que les nuits ;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Oů l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide,
Et se cognant la tęte ŕ des plafonds pourris ;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’horribles araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Des cloches tout-ŕ-coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent ŕ geindre opiniâtrément.
Et d’anciens corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; et, l’Espoir
Pleurant comme un vaincu, l’Angoisse despotique
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.